Une carte listant les zones de quiétude du Plateau est depuis peu accessible au public. L’une d’entre elle est la région de Ponthaux, alternant forêt bourgeoisiale, clairière secrète, roselière romantique et ruisseau bucolique aux portes de l’agglomération de Fribourg.
Pour confronter la théorie de la carte avec la réalité du terrain, nous avons testé l’une de ces zones de quiétude, dans la région de Ponthaux, aux portes de Fribourg.
La découverte de cet espace de grand calme commence sur les hauts de Nierlet-les-Bois, un joli village agricole encore miraculeusement exempt de la désormais traditionnelle zone de villas. A l’orée de la forêt bourgeoisiale de Fribourg, au lieu dit «Ponthaux’view 1», un accueillant banc de bois offre une vue dégagée sur le Moléson et, par temps clair, sur le Mont-Blanc. Nous y retrouvons Roman Hapka, vice-président de la FP et auteur de relevés sur le terrain, en vue de confirmer le niveau de quiétude calculé par l’Institut PLUS. «Nous nous trouvons ici dans un paysage forestier en mosaïque, soit entrecoupé de prés et de culture. Durant la pandémie, on a pu observer une hausse de la fréquentation de la zone, et quelques marcheurs et marcheuses ont un peu fait la police, en indiquant aux automobilistes qui tentaient d’y pénétrer que c’était interdit. Cela montre que Fribourgeois et Fribourgeoises se sont approprié cet espace.»
Subitement, deux avions de chasse passant au-dessus de nos têtes rappellent que la base aérienne de Payerne n’est pas loin. Le doute s’installe: sommes-nous réellement dans un espace de tranquillité? Roman Hapka se veut réconfortant: «Ces avions sont inévitables. Ils survolent tout le territoire suisse et font du bruit partout, même dans les Alpes. Cela dit, cette zone de quiétude reste très calme.» On le croit sans peine car après quelques secondes, les chants des nombreux oiseaux reprennent le dessus.
En contrebas de la forêt, voici la Biolère, une zone marécageuse d’importance nationale, lovée au fond d’une petite combe. Fauchée au moment de notre passage, afin de ne pas assécher la terre, la roselière reprendra bientôt des couleurs et accueillera à nouveau batraciens et oiseaux nicheurs. Non loin de là, des véroniques de Perse feront prochainement le bonheur des abeilles de la ruche toute proche. On se surprend à observer des détails, à ralentir le pas. A se taire et à écouter la nature. C’est vrai, ce paysage incite à la méditation et à à la détente.
Poursuivant l’exploration de la zone de quiétude au sommet de la colline de Piamont, nous éprouvons une sensation d’apaisement en pénétrant dans une grande clairière. «Bien que la Via Jacobi passe juste à côté, cet espace reste secret et nombre d’adeptes de la randonnée ignorent son existence. Ici, les hautes futaies semblent nous isoler du reste du monde. Le seul dégagement est la fenêtre que nous offre le ciel», décrit Roman Hapka, visiblement séduit.
Plus bas, un ruisseau – la Sonnaz – chante en serpentant à l’ombre des arbres, entre le lac de Seedorf et celui de Schiffenen. Ce vallon est des plus bucoliques, surtout au niveau du moulin Courtaney, une propriété privée transformée en maison de vacances.
Le contraste avec cette zone préservée est d’autant plus grand en remontant à Avry, lorsqu’on rencontre le trafic incessant de la route cantonale, à moins d’un kilomètre, et une succession de centres commerciaux, dont celui de Migros. Un retour à la réalité plutôt brutal… Mais cette proximité est également un avantage puisque, dans l’autre sens, il suffit de faire quelques centaines de mètres pour quitter le monde moderne et se retrouver dans des espaces préservés, propices au ressourcement et à la paix intérieure.
Les personnes sensibles à la pollution sonore ont donc tout intérêt à consulter la carte des zones de quiétude du Plateau suisse. Depuis peu accessible au public, celle-ci a été dressée en 2020 par la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du territoire (FP) et l’Institut PLUS de l’EPFZ, spécialisé dans l’aménagement du paysage (lire ci-après). On y recense plus de cinquante zones d’au moins 5 km2, permettant de se ressourcer à l’écart de la civilisation.
Maarten van Strien – Chercheur au PLUS: Nous avons défini un indice de tranquillité pour chaque hectare du Plateau. Celui-ci a été calculé en fonction d’une série de critères phoniques, comme le bruit du trafic, mais aussi en grande partie visuels, comme la présence ou non d’une ligne à haute tension. Sont classés zones de quiétude les espaces d’au moins 5 km2 d’un seul tenant, soit non traversés par une route goudronnée, et bénéficiant du plus fort indice de tranquillité.
Nous avons eu recours aux données existantes, provenant de Swisstopo mais aussi de différents offices et instituts fédéraux. Nous n’avons pas effectué nos propres mesures. Toutefois, certaines zones ont fait l’objet de relevés sur le terrain, permettant de confirmer nos calculs.
Elle a pour but premier d’informer et de montrer les zones invitant au repos, dans l’une des régions les plus peuplées d’Europe. Actuellement, elle n’est ni utilisée pour l’aménagement du territoire, ni contraignante. Nous estimons toutefois qu’il serait judicieux de prendre en compte ces espaces lors de la planification de nouvelles infrastructures. De nombreuses zones de quiétude offrent non seulement des avantages pour l’être humain, mais constituent également de précieux habitats pour la faune et la flore.
Les Suisses souffrent du bruit. En 2019, selon l’Office fédéral de la statistique, 31% de la population se disait «très dérangée» ou «plutôt dérangée» par le bruit du trafic. Et fin mars, une enquête de l’Institut Tropical et de Santé publique suisse a pour la première fois montré la corrélation entre exposition au bruit et risque de suicide.