Notre auteur a porté des lunettes et des lentilles de contact pendant 12 ans – mais il a décidé qu’il fallait que ça change. Il a donc fait une opération des yeux au laser. Comment cela s’est-il passé?
Si je veux me faire opérer les yeux au laser, c’est à cause d’un guacamole. J’y mets toujours deux avocats, du sel, du poivre, du jus de citron vert et du piment. Après avoir coupé le piment, il faut se laver soigneusement les mains. J’ai réalisé que j’avais oublié de le faire lorsque j’ai voulu mettre mes lentilles de contact après le repas. J’ai alors crié, juré, frappé le lavabo – mon œil gauche me brûlait. Au bout de trois minutes, j’ai pu rouvrir l’œil et j’ai été confronté à un dilemme. Soit je torturais mon œil gauche une deuxième fois pour retirer la lentille de contact, soit je touchais aussi le droit avec mes doigts au piment. J’ai opté pour la deuxième option. J’ai frotté mes mains avec du savon pendant plusieurs minutes, j’ai mis ma lentille de contact droite, j’ai juré, crié et frappé le lavabo. Je me suis juré que je ne revivrais plus jamais ça.
Je n’ai pas attendu le fiasco du guacamole pour envisager de me faire opérer les yeux au laser. Avec les lentilles de contact, mes yeux se dessèchent rapidement et me démangent. Les lunettes, je les perds ou je m’assois dessus par accident. Et voilà que mon stock de lentilles de contact est en train de toucher à sa fin. Je commence à faire des recherches. En 1989, le premier œil humain a été traité au laser avec succès à Berlin. L’homme n’était plus myope. En Suisse, depuis 1999, six personnes ont connu des complications graves après un traitement au laser, ce qui a entraîné une «perte de vision importante ou partielle» selon l’autorité de surveillance Swissmedic. Le risque de cécité existe donc – même s’il peut être pratiquement exclu grâce aux progrès techniques des 20 dernières années.
Se faire opérer les yeux au laser coûte entre 3000 et 5000 francs en Suisse. Peu d’assurances participent aux frais. Swica, par exemple, paie 2000 francs pour l’opération, Helsana 1500 – si l’on dispose de l’assurance complémentaire correspondante. Ces traitements sont moins chers à l’étranger, par exemple en Turquie. Pour un vol aller-retour à Istanbul, trois nuits d’hôtel et l’opération des yeux, certains prestataires demandent en gros 2500 francs. Ces offres ont d’ailleurs fait baisser les prix en Suisse ces dernières années. En 2012, l’ophtalmologue Theo Seiler a même fondé une nouvelle clinique ophtalmologique dans la Bahnhofstrasse, à Zurich. L’objectif: être moins cher grâce à des interventions standardisées. C’est ici que je réserve un examen préliminaire gratuit.
«Est-ce qu’au moins tu sais comment se déroule une telle opération, à quoi ça ressemble?», me demandent des collègues à la rédaction. Je cherche des images sur Google. Des yeux grands ouverts, des vaisseaux et des pinces de chirurgie – je suis écœuré.
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Pour l’examen préliminaire, je dois retirer mes lentilles de contact. Une employée m’invite à entrer dans une pièce sombre. Je fais un examen de la vue. Même résultat que ces 12 dernières années: 1,5 dioptrie; au-delà de 70 centimètres, ça devient flou. Puis je regarde dans une deuxième machine. Une petite lampe bleue, des ordres pour me dire quand ouvrir les yeux, la petite lampe tourne en rond. Au bout de deux minutes, j’apprends que l’épaisseur de ma cornée est de 516 micromètres à l’endroit le plus fin, ce qui est idéal. «Le minimum pour une opération des yeux au laser chez nous, c’est 480 micromètres. Chez 15% des personnes qui font l’examen préliminaire, la cornée est trop fine et nous devons les orienter vers notre clinique mère. Nous ne traitons que les cas simples», explique l’employée. Elle me demande si je veux prendre un rendez-vous pour l’examen suivant, plus détaillé et payant. Je ne pourrai pas porter de lentilles de contact pendant deux semaines, car elles laissent des traces sur les yeux.
Lors du deuxième examen, mes yeux sont analysés, photographiés et mesurés. On me met des gouttes pour dilater mes pupilles. À l’aide d’un appareil d’où jaillit un petit bras arrondi qui vient taper contre mes yeux, on mesure ma pression oculaire. Après 40 minutes, la collaboratrice est satisfaite. Tout semble OK. «Maintenant, vous avez le choix entre la variante bien-être et la variante plus brutale», dit-elle. Dans la variante «bien-être», appelée Femto-LASIK, un disque de cornée (volet cornéen) de 100 micromètres d’épaisseur est partiellement découpé au laser et rabattu. Cela dure environ 30 secondes. Un deuxième laser corrige l’amétropie sur l’intérieur de la cornée. «Pour une dioptrie comme la vôtre, cela prend environ 5 secondes. Pour des corrections plus fortes, cela peut durer jusqu’à 30 secondes», explique l’employée. Dans le cas de la variante plus brutale, appelée transPRK, rien n’est incisé: le laser est utilisé directement à la surface de la cornée. «Après, vous avez la même sensation sur l’œil que si vous aviez touché la plaque du four sans gants. Pour récupérer, il faut ensuite une semaine de vacances.» Qui s’impose ça volontairement? «Les pratiquant-es d’arts martiaux et les personnes qui ont une cornée fine», précise l’employée. Comme rien n’est incisé, aucun fragment de cornée ne peut se détacher ou se déplacer. Les personnes qui reçoivent régulièrement des coups à la tête et aux yeux choisissent donc cette option. «Donc avec la variante bien-être, une partie de mon œil peut tomber?», je demande. Si je reçois un coup ou si je me frotte les yeux juste après l’opération, le disque de cornée peut se déplacer. «Mais les yeux guérissent vite. Par mesure de sécurité, nous recommandons de ne pas pratiquer de sports de balle ou de sports de combat durant quatre semaines après le traitement», explique l’employée. Des yeux qui brûlent ou un volet cornéen qui peut se déplacer – mon ventre se contracte à cette idée. J’opte pour la variante bien-être. Je ne veux pas souffrir. Jusqu’au rendez-vous, je peux à nouveau porter des lentilles de contact – ce sera la dernière fois. On me met des gouttes qui rétrécissent à nouveau mes pupilles.
Le laser permet de corriger sans problème des dioptries jusqu’à 7. Au-delà, les choses se compliquent, car la cornée peut devenir trop fine après l’opération. Chez une personne de tout juste 20 ans, les yeux ne sont souvent pas encore complètement développés, c’est pourquoi il est recommandé d’attendre que le défaut visuel soit stable pendant un ou deux ans. Sinon, l’âge n’est pas un critère très important pour le laser. De nos jours, toutes les amétropies (astigmatisme, myopie et hypermétropie) peuvent être corrigées. Les femmes enceintes ne devraient pas se faire opérer les yeux au laser, car les hormones peuvent entraîner des modifications des tissus et le défaut visuel peut se modifier.
Pour l’opération, j’emmène ma mère et des lunettes de soleil. Les lunettes, parce que je vais être sensible à la lumière, ma mère, au cas où je deviendrais vraiment très sensible à la lumière et que je ne puisse plus ouvrir les yeux. J’enfile la tenue qu’il faut, je m’allonge sur une table et l’on me met des gouttes anesthésiantes. Ensuite, le médecin me couvre l’œil gauche et maintient l’autre ouvert avec un écarteur, ce qui me fait mal. Je ne peux plus cligner de l’œil. Au-dessus de ma tête se trouve maintenant l’appareil laser avec un embout comme sur une paire de jumelles, qui est pressé sur mon œil. «Regardez la lumière verte», me dit le médecin. L’œil est aspiré, l’appareil commence à émettre des bips, tout devient flou. La couche supérieure de la cornée est maintenant soulevée. J’essaie d’éloigner cette idée de ma tête. Ensuite, l’embout façon paire de jumelles appuie encore plus fort sur mon œil. «Ça peut maintenant sentir le brûlé à cause du laser, c’est normal», explique le médecin. En effet, une odeur de cheveux brûlés se fait sentir. Après cela, on replace le volet cornéen, on le lisse, on me met une lentille de contact avec des antibiotiques et on retire l’écarteur. Au bout d’une minute, la moitié de l’opération est terminée. Le médecin fait ensuite de même avec l’œil gauche.
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La salle d’attente semble plus lumineuse qu’avant. Ma vision est un peu brouillée. Une employée m’explique que je ne dois en aucun cas toucher mes yeux, car cela pourrait provoquer des inflammations. «L’effet de l’anesthésie diminuera dans deux heures. Ensuite, vos yeux commenceront à brûler et à pleurer, c’est normal.» En rentrant chez moi, je vois déjà mieux qu’avant l’opération.
J’écoute de la musique et j’envoie un ou deux messages, dans une pièce sombre. Je ne peux pas regarder l’écran de mon téléphone trop longtemps à cause de la lumière. Sinon, rien de particulier. Trois heures après l’opération, mes yeux commencent à me brûler, à me démanger et à pleurer. J’ai systématiquement envie de me frotter les yeux, mais je n’en ai pas le droit. Quand je ferme les yeux, j’ai l’impression que mes paupières sont des ballons qui se remplissent d’eau. Quand j’ouvre les yeux, des ruisseaux de larmes coulent sur mes joues. Je me déplace dans l’appartement tel un vampire, en prenant soin d’éviter toute source de lumière. Aurais-je mieux fait de renoncer à l’opération? Mon téléphone vibre. Il me faut quatre tentatives pour répondre au message. Il fait maintenant sombre dehors, mais je garde mes lunettes de soleil. Ma copine cuisine, je ne peux pas l’aider car je dois constamment fermer les yeux. Nous soupons aux chandelles et je n’arrête pas de pleurer. La soirée en amoureux la plus triste de tous les temps.
Le lendemain matin, mes yeux vont bien. Je me rends à la visite de contrôle, où l’on me retire les lentilles de contact antibiotiques. «Au moment de retirer les lentilles, la partie incisée de l’œil ne vient pas avec?», demande ma mère en chemin. Heureusement, non. Le médecin utilise un coton-tige médical, qui ressemble à une spatule en caoutchouc, pour retirer les lentilles. Ensuite, je fais un test de la vue: même avec des lentilles de contact, je n’ai jamais aussi bien vu. Cela devrait rester ainsi jusqu’à ce que la presbytie s’installe entre 45 et 50 ans, d’après le médecin. Souffrir une soirée en valait la peine.