De nombreuses personnes ont une marotte, une manie bien particulière, mais inoffensive. Certaines souffrent toutefois de véritables tics et de troubles obsessionnels compulsifs qui perturbent parfois fortement leur vie. Nous en avons parlé avec la psychothérapeute Bernice Würth.
Les tics sont des mouvements ou des sons brefs, répétés rapidement, sans rapport avec la situation, comme des clignements d’yeux fréquents, des haussements d’épaules ou des cris. La personne concernée ne peut pas les contrôler.
Les troubles obsessionnels compulsifs sont généralement des processus plus complexes, comme un rituel qui doit être répété à l’identique. Tout comme pour les tics, les personnes concernées ne peuvent pas simplement y couper court. Non pas parce que le processus est automatique, mais parce que cela les stresserait trop. Les troubles compulsifs entraînent une souffrance bien plus grande que les tics. Autre différence, les tics n’ont pas de but précis. Ils se produisent, tout simplement. À l’inverse, les tocs remplissent une sorte de mission, comme neutraliser les peurs, faire disparaître un mauvais sentiment ou repousser ce que l’on perçoit comme de la malchance.
Pour la personne concernée, oui. Lorsqu’elle suit sa compulsion, elle éprouve un soulagement, au moins pendant un certain temps. Mais l’effet ne dure malheureusement pas longtemps. Très vite, la pression monte à nouveau et l’action doit être répétée.
Pas seulement, l’intensité de l’action est également problématique. Par exemple, si je veux me désinfecter les mains, il suffit de le faire une fois. Je n’ai pas besoin de répéter l’opération cinq fois de suite en l’espace d’une heure, de risquer de me brûler parce que j’utilise de l’eau très chaude ou de me frotter les mains si fort qu’elles en viennent à saigner. Dans tous ces cas, les actions vont bien au-delà de l’objectif visé et deviennent contre-productives. Cela peut être très gênant et restrictif dans la vie quotidienne, notamment parce que les personnes concernées attendent de leur environnement social qu’il agisse de la même façon. Cela peut entraîner des conflits au sein de la famille ou du couple.
Les tocs de contrôle, de lavage et de collecte sont les plus fréquents. Les spécialistes font la distinction entre les pensées compulsives et les actes compulsifs. Tout d’abord, une pensée apparaît chez la personne concernée, elle s’installe justement de manière obsessionnelle dans son esprit et génère un sentiment négatif. Pour compenser ce sentiment, on en vient ensuite, dans la plupart des cas, à un acte compulsif qui remplit en quelque sorte une fonction de soupape.
Les troubles obsessionnels compulsifs, en particulier le besoin de contrôle, ont souvent une évolution insidieuse qui se renforce avec le temps. Au début, la personne vérifie par exemple deux fois de suite que la porte d’entrée est bien fermée à clé. Au fil du temps, cette action doit être effectuée des centaines de fois par jour et, la plupart du temps, elle s’accompagne d’autres obsessions.
Les personnes qui souffrent de tics et de compulsions en ont honte et se replient donc souvent sur elles-mêmes. Elles sont tout à fait conscientes que leur comportement ne correspond pas à la norme et qu’elles se font ainsi remarquer. En outre, leurs tocs prennent souvent un temps disproportionné, ce qui rend généralement la vie difficile, voire impossible.
Le sujet doit être abordé avec beaucoup de délicatesse, sans porter de jugement, justement parce qu’il est très fortement lié à un sentiment de honte. Les personnes concernées sont gênées de ne pas pouvoir se contrôler. Lorsque l’on attire leur attention sur leurs tics et leurs comportements compulsifs, elles essaient souvent de les réprimer, ce qui ne réussit généralement pas et renforce donc encore leur sentiment d’inadaptation. Comme la pression et le stress aggravent ces troubles, toute discussion sur le sujet doit se dérouler dans un environnement calme et sûr.
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Oui, mais la personne concernée doit être disposée à suivre une thérapie, elle doit être consciente de sa souffrance. Elle doit être extrêmement motivée à demander de l’aide et à résoudre activement son problème, car le cheminement est épuisant. Hélas, l’aide psychothérapeutique est souvent sollicitée très tardivement, la plupart du temps quand le problème est déjà chronique. Cela rend le traitement encore plus difficile. En outre, les tocs accompagnent souvent d’autres diagnostics tels que TDAH, dépression, troubles anxieux ou comportements addictifs et doivent être abordés dans le cadre du traitement de cette affection principale.
Pour les tics, il peut s’agir de chercher un autre exutoire, moins visible ou dérangeant au quotidien. Dans le cas des tocs, la personne concernée doit pouvoir supporter de ne pas faire une action qui la soulagerait ou d’effectuer une action de manière tout à fait consciente et attentive, par exemple éteindre une plaque de cuisson. Cela lui permet d’instaurer la confiance en sa propre mémoire. Tout cela demande beaucoup de patience et de discipline.
Si l’un des parents souffre déjà de troubles obsessionnels compulsifs, la probabilité d’en être également atteint est plus élevée. Un évènement traumatisant comme une séparation ou la mort d’un être cher peut être un autre facteur déclenchant. Mais des tocs peuvent également apparaître lorsqu’il est impossible d’exprimer des sentiments négatifs au sein de la famille ou du couple et que ceux-ci doivent être réprimés. La plupart des personnes concernées développent leur trouble entre 19 et 35 ans.
Oui, nous devrions tous être aussi authentiques que possible et assumer nos sentiments, même négatifs, et trouver des moyens de les réguler de manière saine, par exemple en faisant du sport ou de la danse, en rencontrant d’autres personnes ou en pratiquant une autre activité agréable. Nous devrions également apprendre à nos enfants qu’il est tout à fait normal d’avoir peur, d’être en colère ou d’être triste.
Exactement. Par exemple, quand un enfant tombe et pleure, les adultes ne devraient pas lui dire simplement que ce n’est pas grave. Cela empêche l’enfant d’éprouver ses propres sentiments et, au final, il ne sait pas ce qu’il ressent. Lorsque l’on ne peut plus faire confiance à sa propre perception, il faut compenser, par exemple par des tics et des tocs.
Oui, quand j’étais enfant, j’avais tendance à mettre la date et l’heure exacte sur beaucoup de choses. Aujourd’hui encore, je possède une boîte avec des objets qui sont tous scrupuleusement étiquetés. Et j’éprouve souvent le besoin de verrouiller ma voiture deux fois de suite avec la télécommande, par sécurité. Seulement, quand il y a beaucoup de monde autour, je ne le fais pas, parce que ça sonne deux fois et je ne veux pas que les autres l’entendent.