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Vivre plus sainement?

Vivre plus sainement?

«L’intelligence est avant tout une question de chance»

On naît avec ou sans: l’intelligence est liée à la génétique. Néanmoins, l’assiduité, l’origine et le foyer familial jouent aussi un rôle décisif - et pas toujours dans le sens positif, comme l’explique la chercheuse et spécialiste de intelligence Elsbeth Stern.

Elsbeth Stern, nous aimerions commencer par une question personnelle...

Si vous voulez connaître mon QI, je ne vous le dirai pas.

Pourquoi?

Parce que je pense que certaines données personnelles ne doivent pas être partagées avec tout le monde. Cela inclut mon poids, ma situation financière, mes relations - ou mon QI justement.

Mais vous connaissez votre QI?

Oui, j’ai passé mon premier test d’intelligence en 1977 au moment où j’ai commencé à étudier la psychologie. J’étais très contente du résultat.

Mais vous aimeriez quand même être plus intelligente?

Absolument! On n’est jamais trop intelligent.

Qu’entendez-vous par là exactement?

Au sens où cela permet de résoudre des tâches de manière efficace et d’apprendre de nouvelles choses par soi-même grâce à ce que l’on sait déjà.

De quoi dépendent ces aptitudes?

La génétique y est pour beaucoup. Les gènes créent les conditions nécessaires au développement de notre cerveau et à la manière dont nous traitons les informations.

Cela signifie qu’un QI élevé est une question de chance?

Au fond, c’est comme pour le physique: que l’on soit plus ou moins beau, plutôt mince ou plutôt fort, tout cela est prédéterminé. Pour le QI aussi, c’est avant tout une question de chance. Mais bien sûr, nous avons aussi besoin d’un environnement dans lequel nous pouvons développer notre potentiel génétique.

Qu’est-ce qui est en jeu ici?

Par exemple, si un enfant a de bonnes prédispositions, mais que sa mère boit de l’alcool pendant la grossesse, cela nuit à son intelligence. Ensuite, l’origine joue aussi un rôle: en Scandinavie, les enfants sont stimulés très tôt à l’école afin de corriger les inégalités familiales. C’est donc l’intelligence qui détermine qui va aller le plus loin et jusqu'où. La situation est différente aux États-Unis, où le statut social et l’école fréquentée sont plus importants. L’intelligence en soi joue un rôle moins important. Les variations génétiques d’une personne définissent donc le cadre, mais c’est l’environnement qui détermine ce qu’il en advient.

Quelle est l’importance du foyer parental pour la réussite des enfants en Suisse?

Aujourd’hui, les parents très riches peuvent compenser beaucoup de choses.  Lorsque des parents aisés engagent des nounous anglophones, leurs enfants apprennent à très bien parler anglais dès leur plus jeune âge. Plus tard, au gymnase, ils peuvent ainsi rattraper de mauvais résultats dans d’autres matières, comme les mathématiques. Ce n’est donc plus seulement l’intelligence qui s’impose, et je considère cela comme un gros problème.

À quel point l’assiduité est-elle déterminante?

Tout ce qui est exigeant doit être appris moyennant des efforts. L’intelligence est donc, dans le meilleur des cas, un diamant brut qui doit être taillé. Mais si deux personnes d’intelligence différente souhaitent apprendre la même chose, la plus intelligente y parviendra plus rapidement et avec moins d’efforts. Le travail à lui seul permet d’aller loin dans de nombreux domaines. Mais il ne suffit pas à devenir physicien théoricien.

Quand on est très intelligent, est-ce que cela vaut pour tous les domaines de la vie ou est-ce qu’on est soit doué pour les mathématiques, soit pour les langues?

L’intelligence est en grande partie indépendante du contenu. Mais de manière subjective, on peut avoir l’impression de préférer les langues ou les mathématiques. Cela dépend beaucoup des notes. 

Les notes ne permettent donc pas forcément de déduire l’intelligence?

Non. Les notes ne sont certes pas totalement étrangères à l’intelligence, mais il existe aussi des personnes très intelligentes qui sont mauvaises à l’école et inversement. 

Les tests de QI seraient-ils plus pertinents?

Absolument, s’il s’agit de connaître le potentiel d’une personne. Néanmoins, je suis contre le fait de remplacer les notes par des tests de QI. Au final, les enfants doivent bien savoir calculer, lire et écrire pour réussir au gymnase. En outre, il est possible de s’entraîner aux tests de QI et les parents qui placent aujourd’hui leurs enfants dans des ateliers d’apprentissage les enverraient alors tout simplement chez le psychologue.

Existe-t-il malgré tout des situations où un test de QI peut être utile?

Oui, si un enfant ne fait pas valoir son intelligence parce qu’il ne maîtrise pas la langue du pays, par exemple. Ou lorsque les parents et les enseignants ne sont pas d’accord sur le potentiel d’un enfant. C’est là qu’un test de QI peut aider et montrer de quel soutien l’enfant a besoin. Il faut toutefois préciser que le QI ne se stabilise qu’à partir de 10-12 ans environ.

(Voir suite ci-dessous...)

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Dans quelle mesure l’intelligence est-elle déterminante dans le choix d’une profession?

Il ne faut pas la sous-estimer. Une personne, qui exerce une profession pour laquelle elle n’a pas l’intelligence nécessaire, ne sera pas heureuse. Cela nuit en outre à la société si elle ne peut pas remplir sa fonction. Si de nombreuses personnes manquant de souplesse intellectuelle occupent des postes importants dans une société, celle-ci évoluera au mieux vers la médiocrité.

Les personnes intelligentes réussissent-elles mieux sur le plan professionnel?

De bons exemples le montrent effectivement. Mais encore faut-il qu’elles parviennent à intégrer les bonnes filières de formation. Pour réussir en tant que médecin ou avocat, il faut d’abord faire des études de médecine ou de droit. C’est pourquoi il est important de bien examiner dès le départ qui intègre le gymnase.

Mais il est possible aussi d’intégrer une formation plus tard.

Notre système éducatif souple présente de nombreux avantages. D’un autre côté, cela conduit au fait que des enfants ayant le potentiel pour faire des études suivent d’abord une formation professionnelle parce qu’ils ont la possibilité de suivre des études plus tard. Mais si l’on veut quitter son emploi à 25 ans et passer une maturité, il faut non seulement beaucoup de discipline, mais aussi une bonne sécurité financière. Tout le monde ne peut pas se le payer.

Laissons de côté le monde du travail. Il existe aussi une hypothèse selon laquelle les personnes très intelligentes auraient tendance à être plus malheureuses ou à rencontrer plus de difficultés sur le plan social. Qu’en est-il?

À mon avis, ce préjugé tient au fait que l’on imagine que les personnes intelligentes doivent aussi avoir leurs problèmes. En réalité, c’est exactement l’inverse: les personnes intelligentes sont globalement capables de mieux contrôler leurs émotions, de mieux gérer les situations difficiles et sont généralement plus heureuses.

Être intelligent n’a donc que des avantages?

Oui, à moins de ne pas pouvoir exploiter son potentiel. Celui qui pense pouvoir tout faire mieux que ses supérieurs finit par être frustré. Les personnes intelligentes ont en principe le choix: soit exercer une activité plus simple avec peu d’efforts, soit faire des efforts et s’aventurer dans des domaines exigeants. Elles ont toutefois un inconvénient: elles sont plus susceptibles de porter des lunettes, mais on ne sait pas exactement pourquoi.

de Deborah Bischof et Monica Müller Poffa,

publié le 13.09.2023


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