Sina Frei, 22 ans, championne du monde de VTT de la catégorie M23, nous en dit plus sur ses moments de joie lorsqu’elle dépasse une concurrente alors que ses jambes sont en feu, et sur le petit ange et le petit diable qui se disputent dans sa tête pendant la course.
«La course du mois de mai dernier a été particulièrement exigeante. Le tracé de la Coupe du monde aux Gets nous laissait peu de moments de répit : il fallait constamment être parfaitement concentrées et tout donner. Alors que je me trouvais à la cinquième place, j’ai constaté que j’étais toujours légèrement derrière la Française Pauline Ferrand en montée mais que, dans la descente, j’arrivais toujours à réduire un peu plus la distance qui nous séparait. Je me suis donc fixé comme objectif de la dépasser. Pour moi, il était clair que je n’avais aucune chance d’y parvenir lors du sprint final comme elle est meilleure sprinteuse que moi. Il fallait donc coûte que coûte que je la dépasse lors du dernier tour. La piste se rétrécissait de nouveau et j’étais vraiment épuisée. J’avais les jambes en feu. Mais dans ma tête, les choses étaient claires : je voulais absolument la dépasser. J’ai donc encore une fois rassemblé toutes mes forces. Et j’ai bien fait, puisque j’ai réussi à terminer à la quatrième place, juste derrière les trois meilleures coureuses du peloton. Pour moi, c’est vraiment une grande réussite à 22 ans seulement.
Bien sûr, la forme physique est déterminante dans le sport d’élite. Mais le mental est au moins aussi important. Il faut apprendre à contrôler ses pensées pour les faire aller dans le bon sens. Souvent, j’ai l’impression d’avoir un petit ange et un petit diable qui se disputent dans mon cerveau. Le petit diable me dit: «Tu as mal aux jambes. Tu es fatiguée. Tu n’en peux plus. Les autres sont plus rapides et plus agiles que toi. Tu n’y arriveras pas de toute manière.» Dans ces moments-là, il faut que j’essaie d’écouter davantage le petit ange qui, lui, me dit : «Tu es en forme et bien entraînée. Il te reste encore de la force dans les jambes. N’abandonne pas.» Souvent, cela m’aide aussi de penser à autre chose. Je commence par exemple à compter mes coups de pédale. Ça me ramène à mon propre rythme. Parfois, j’essaie de repenser à des moments où j’ai réussi à atteindre mes objectifs. Par exemple, à ce moment de pur bonheur lorsque j'ai réussi à dépasser quelqu’un. De cette manière, j’arrive toujours à faire taire le petit diable et à reprendre un bon rythme.
Il est aussi important de mettre en place de bonnes stratégies mentales avant le championnat. Lorsque j’ai une course à midi, par exemple, je me lève le matin et divise la matinée en plusieurs étapes jusqu’au départ de la course, afin de ne pas être trop stressée. Environ quatre heures avant le départ, je mange un porridge de riz avec des dattes et des bananes. Ensuite, je me repasse le tracé dans la tête: je visualise les montées et les descentes, les obstacles ainsi que les passages particulièrement étroits ou larges. Une fois que j’ai fait cela, j’étire mes muscles, en écoutant de la musique généralement. Le temps est ensuite venu de faire mon sac : j’y mets les vêtements dont j’aurai besoin ainsi que les boissons. J’attends le dernier moment pour aller dans la tente de l’équipe, car l’ambiance y est généralement un peu agitée. Dehors, les proches, les amis, les sponsors et les médias m’attendent – et tous veulent me voir : l’un pour me prendre dans les bras, l’autre pour une photo… J’essaie de me préserver et de ne pas m’éparpiller. Avoir un peu le trac est nécessaire pour la course, mais s’il prend trop d’ampleur, cela est contre-productif.
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Je vais régulièrement voir une coach mentale à Zurich afin de réfléchir à des stratégies de pensées. J’apprends à chaque fois de nouvelles techniques. Elle m’a par exemple montré un point au niveau de l’index gauche sur lequel je peux appuyer lorsque la nervosité monte. Cela m’a déjà aidée à plusieurs reprises avant des championnats. Mais comme il n’existe pas de recette miracle en la matière, c’est à moi de trouver les stratégies qui fonctionnent le mieux sur le moment, et celles qui m’aident moins.
Ce qui me plaît le plus dans le VTT, c’est le fait d’être dehors, dans la nature, et que les conditions changent tout le temps. La météo, par exemple, joue un rôle important. S’il commence à pleuvoir, les conditions changent d’un coup. Sur une piste mouillée, tout est plus difficile. Certains passages avec des racines peuvent par exemple devenir très glissants.
Je suis sportive d’élite depuis deux ans maintenant. J’ai ainsi réalisé mon rêve de faire de ma passion mon métier. Je m’entraîne environ 20 heures par semaine, principalement à vélo, mais aussi en salle de musculation. Repenser à mes moments de réussite me motive énormément. Généralement, je m’entraîne seule, mais il m’arrive parfois aussi de le faire avec des amies et des amis. En hiver, je pars souvent en camp d’entraînement dans des régions plus chaudes. C’est en mai que redémarre la saison. Il est alors toujours difficile de juger ses adversaires. Bien se préparer mentalement et avoir confiance en soi est donc d’autant plus important.»
Photo: Andreas Dobslaff / dobslaff.com