La fatigue et le manque de sommeil chroniques ne se contentent pas de nous priver d’énergie, ils peuvent aussi entraîner des séquelles à long terme sur le plan physique. Voici les conseils de nos experts pour mieux dormir.
Lorsque le besoin de sommeil nous prive d’énergie diurne des mois durant, il est temps d’agir, explique le docteur Philipp Keller, spécialiste en médecine interne générale FMH et médecine du sport SGSM au centre médical Medbase Sports de Zurich Löwenstrasse. «Dans un tel cas, on parle de fatigue chronique, un problème à ne surtout pas prendre à la légère.»
Cette somnolence aussi durable qu’épuisante peut apparaître soudainement, mais aussi de manière plus insidieuse, avertit Philipp Keller. Et, selon sa cause, elle peut être à l’origine des troubles les plus divers.
Les causes de la fatigue chronique sont très variées. Il peut par exemple s’agir de maladies cardiovasculaires, d’infection non détectées, de problèmes d’ordre rhumatologique ou neurologique, mais aussi de troubles hormonaux ou psychiques, comme une dépression. Notons aussi qu’une consommation excessive de produits d’agrément ou un abus de certaines substances, tout comme de certains médicaments, de par leurs effets secondaires, peuvent aussi être à l’origine de cette fatigue.
Le docteur Keller conseille de consulter un médecin en présence d’une fatigue inexpliquée depuis plus de quatre semaines pour en identifier précisément les causes. «En présence d’autres troubles, par exemple une fièvre élevée, il peut être nécessaire de consulter avant ce délai.»
«Le syndrome de fatigue chronique, ou SFC, n’est pas une maladie uniforme», explique Philipp Keller. «Souvent, les symptômes varient et le corps médical n’a pas encore été en mesure de définir une cause unique à l’origine de cette maladie.» Il ajoute cependant que le diagnostic repose sur des critères clairs; par exemple, les symptômes doivent durer depuis plus de six mois. «Outre la fatigue, cette maladie entraîne des troubles du sommeil, des problèmes de l’attention ou de la capacité intellectuelle, des vertiges dus à la tension artérielle lors de changements de position ou encore une faiblesse ou un épuisement inhabituels et excessifs après un effort physique.»
Les experts distinguent la fatigue chronique, pouvant indiquer une autre maladie et persistant souvent plusieurs mois, d’une forme moins lourde, appelée fatigue aiguë. Néanmoins, cette dernière ne doit pas être sous-estimée, prévient le docteur Keller. «Elle peut durer jusqu’à quatre semaines, ce qui est fort pénible pour les personnes concernées.»
Souvent, cette forme de fatigue est due à un manque de sommeil, lui-même causé par du stress professionnel, un manque de mouvement ou un mode de vie peu sain. Le graphique ci-après illustre les symptômes et les dangers que peut favoriser un manque de sommeil à long terme.
La privation de sommeil a le même effet que l’alcool; ainsi, 24 heures sans sommeil correspondent à environ 1 pour mille d’alcool dans le sang. D’un point de vue général, le manque de sommeil porte préjudice à notre capacité de réaction et de concentration et exerce une influence sur notre performance cognitive. En effet, le fait de dormir permet de transférer les impressions du jour de la mémoire à court terme vers celle à long terme. Notre cerveau sépare également les éléments importants de ceux qui le sont moins. Trop peu de sommeil entraîne une baisse de motivation et de l’humeur. Notre irritabilité et notre propension au risque, elles, s’en voient exacerbées.
Quiconque ne dort pas assez ne rend pas service à son cerveau. Celui-ci court le risque de subir des changements d’ordre dégénératif; des protéines nocives sont alors stockées et détruisent les connexions des cellules nerveuses. Ces plaques apparaissent plus souvent lors de démences et d’autres maladies neurodégénératives, mais le sommeil permet de les éliminer.
De nombreuses fonctions vitales et régulatrices d’hormones ont un rythme récurrent et sont influencées par ce que l’on appelle le système circadien. Celui-ci règle notre rythme sur 24 heures, régule notre besoin de sommeil et est responsable des phases de sommeil et de veille. En l’absence de sommeil, ce système est désorienté.
Peu de sommeil peut mener à une baisse de la circulation sanguine au niveau de la musculature entourant les yeux. Le sang contenant moins d’oxygène est plus sombre, ce qui fait qu’il est plus visible à travers la peau. Dès que nous nous sommes reposés, nos cernes disparaissent.
En cas de manque de sommeil à long terme, le corps passe à une sorte d’état d’urgence. Dans un tel cas de figure, notre température corporelle baisse, probablement pour économiser de l’énergie.
Des phases de sommeil profond et paradoxal plus courtes entraînent une sensibilité plus faible à l’insuline et une tolérance moindre au glucose. Concrètement, cela signifie que le risque d’être atteint de diabète augmente en raison d’un taux de glucose plus élevé.
Lorsque nous manquons de sommeil, l’hormone du stress, ou cortisol, augmente. Notre corps est alors en permanence sur le qui-vive. À long terme, nous courons un risque plus élevé de souffrir de maladies cardiovasculaires ou d’artériosclérose, mais aussi d’une crise cardiaque ou d’une attaque cérébrale. Avec moins de cinq heures de sommeil par nuit, le danger d’hypertension quintuple.
Un manque durable de sommeil exerce une influence négative sur la sécrétion des hormones de croissance. Or, au niveau de la musculature, celles-ci sont chargées des processus de régénération, de guérison des blessures (par exemple microlésions et courbatures) et de la croissance musculaire. De plus, les hormones du stress mènent à une plus grande tension musculaire. Si celle-ci devient permanente, elle peut entraîner des raideurs chroniques, par exemple à la nuque et aux épaules, ce qui peut causer des maux de tête.
Le risque de souffrir du syndrome métabolique augmente à mesure que dure la privation de sommeil. Ce syndrome consiste en l’apparition simultanée des quatre maladies suivantes: surpoids (adiposité), hypertension, (pré-)diabète et troubles du métabolisme (par exemple un taux de cholestérol élevé).
Le sommeil permet d’accroître le nombre d’anticorps luttant contre les virus et bactéries nocifs, qui sont alors transportés vers les cellules tueuses de notre système immunitaire. Celui-ci apprend donc pendant que nous dormons. Or, un manque de sommeil chronique cause l’apparition de facteurs favorisant l’inflammation et une diminution de l’activité de nos cellules tueuses naturelles. Une partie importante de notre système immunitaire se trouvant dans nos intestins, les bactéries indésirables peuvent se multiplier et évincer les germes utiles. La performance de notre système immunitaire s’en voit limitée, ce qui entraîne une plus forte propension aux infections.
Les capacités motrices, dont se charge le cervelet, ne fonctionnent plus comme elles le devraient. La motricité fine et globale perd en précision.
La présence plus marquée de facteurs d’inflammation peut favoriser la rétention d’eau dans les tissus.
La régulation de la satiété souffre elle aussi des nuits trop courtes. Par exemple, avec cinq heures de sommeil au lieu de huit, la leptine, hormone chargée de freiner notre appétit, peut baisser de quelque 18%, alors que la ghréline, qui donne faim, peut connaître une hausse allant jusqu’à 28%. Nous ressentons donc une plus grande faim que d’habitude et prenons du poids.
Michael Schwarz, docteur en sciences naturelles et directeur du Medbase Checkup Center à Zurich: «On a tendance à sous-estimer l’importance du sommeil pour une bonne santé. Or, un sommeil en quantité suffisante, mais surtout de bonne qualité, est un élément-clé pour la régulation, la régénération et l’équilibre de nombreuses fonctions corporelles», explique-t-il. Il ajoute qu’un manque de sommeil peut aggraver ou multiplier des symptômes existants. «Ou, comme le disait Hippocrate: ”Le sommeil et la veille excessifs sont l’un et l’autre de mauvais augure”.»
Mais alors, que faire pour un sommeil suffisant et de qualité? Philipp Keller révèle à quoi prêter attention. «Une alimentation saine, à base végétale, une consommation modérée de café, à savoir pas plus de deux à trois tasses par jour, une activité physique régulière, des plages de détentes hors du travail – donc l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée – et au moins sept à huit heures de sommeil ininterrompu sont les clés du succès.»
Autrement dit, notre comportement pendant la journée dicte notre sommeil. Notre style de vie se répercute donc sur notre repos. Si nous ne faisons pas ce qu’il faut pendant la journée, nous avons tendance à nous tourner et à nous retourner sans cesse pendant la nuit, voire à ne plus pouvoir arrêter le flux incessant de nos pensées.
Pour en savoir plus sur vos nuits, vous pouvez surveiller votre sommeil au moyen d’un tracker. La variante professionnelle consiste à se rendre dans un laboratoire du sommeil ou à convenir d’un test de VFC auprès de Medbase.